Alexandrine Siham, c’est « l’enfant du secret », l’enfant aux deux prénoms, l’enfant aux deux identités. La première, l’originale, la Libanaise, c’est Siham ou plutôt Siham Nelly qui, jusqu’à l’âge de 4 ans, était une enfant abandonnée, illégitime, une enfant de la honte recueillie par les religieuses de la crèche Saint-Vincent-de-Paul et à laquelle elles ont donné un nom, une identité. La seconde, Alexandrine, est de nationalité française. Elle a aujourd’hui 39 ans. Née à l’âge de 4 ans, alors qu’elle venait d’être adoptée par un couple de Français, elle tente de trouver sa place dans un monde auquel elle ne s’identifie pas. Brune à la peau mate, dans une famille de blonds aux yeux bleus, elle souffre de ne pouvoir être la petite fille modèle tant désirée. Elle souffre surtout du déracinement de son pays d’origine, le Liban, de ce passé que ses parents adoptifs tentent d’occulter, mais qui resurgit dans ses cauchemars d’enfant et ses rêves les plus fous. Rebelle, tant dans son aspect physique que dans son comportement, elle exprime sa souffrance à travers ses actes, ses paroles, ses interrogations. Siham Nelly au Liban, Alexandrine en France, la jeune femme ne se sent ni tout à fait libanaise ni tout à fait française. Tout juste une étrangère ici ou là, mais une étrangère partout ailleurs aussi.
À travers L’enfant du secret, Alexandrine se livre totalement, raconte sa détresse, sa souffrance de cette dualité qui lui pèse, son chagrin de ne pas parler ni comprendre l’arabe, sa langue maternelle, qu’elle parlait pourtant exclusivement jusqu’à l’âge de 4 ans, lorsqu’elle était une enfant de « Azarieh ». Mais ce qu’elle dépeint surtout, c’est sa quête de ses parents biologiques qui l’ont abandonnée, sa quête de sa mère surtout, cette « mama ou emmé » à laquelle elle voudrait tant mettre un visage, qui devient non seulement son leitmotiv, mais ausi le but de son existence. Ce désir d’en savoir plus sur sa naissance, de comprendre pourquoi et dans quelles circonstances elle a été abandonnée, se transforme en une hantise. Une hantise qui ne peut que faire souffrir ses parents adoptifs, devenus malgré eux partenaires actifs dans la quête engagée par leur fille, par amour pour elle, par peur aussi de la perdre.
Au fil des pages, Alexandrine l’enfant rebelle se transforme. La jeune fille déchirée entre deux mondes, écorchée vive, rancunière, qui donne des surnoms à sa mère adoptive pour ne pas l’appeler maman, qui lui crache sa souffrance d’avoir été déracinée, arrachée à son pays tant chéri, se mue, progressivement, en une Alexandrine plus tolérante. Une Alexandrine qui a accepté sa situation, même si sa quête n’a toujours pas abouti. Une Alexandrine qui a intériorisé sa dualité et qui désire exister en tant que telle.
L’enfant du secret est le cri de souffrance d’une personne qui finit par comprendre que les mentalités d’une société encore trop traditionnelle sont plus fortes que le droit à retrouver ses origines. Au terme d’années de combat, L’enfant du secret est en quelque sorte le parcours d’Alexandrine, un parcours identitaire, semé d’embûches, mais aussi tout plein d’émotions, de souvenirs, de parfums, d’amour, de poésie aussi. Un message d’amour immense qu’elle exprime aussi bien à ses parents adoptifs qu’aux religieuses de la crèche.
Au-delà de l’histoire personnelle d’Alexandrine, resurgit le problème de l’adoption, de l’accès aux origines, mais aussi des grossesses illégitimes dans une société libanaise encore traditionnelle.
Dans le cadre de la signature de son ouvrage, L’enfant du secret, édité chez L’Harmattan, Alexandrine Siham organisera une conférence-débat, sur le thème « Parcours d’un adopté entre deux pays », le dimanche 24 octobre à 17 heures, au Biel, au Salon Lire en français et en musique, à la salle Quatz’arts. La signature du livre suivra la conférence, à 18 heures, au stand de la librairie Antoine.
Anne-Marie EL-HAGE
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