Libanaises mariées à des étrangers.......
Magazine NOUN juin 2006
Nombreuses sont les Libanaises qui se sont unies à des étrangers, de quelque contrée qu’ils soient, sans même se douter que la loi de leur pays leur réservait une surprise qui ne ferait que compliquer leur existence: celle de les priver d’accorder leur nationalité à leur mari, mais aussi à leurs enfants. De multiples problèmes résultent de cette discrimination au niveau des législations, qu’ils soient d’ordre pratique, moral, psychologique…
Il est difficile de se mettre dans la peau d’un époux étranger qui a adopté le Liban sans que la réciproque ne soit vraie. Sa femme et lui vivent un calvaire au quotidien, qui reste cependant entouré d’un voile de silence. Un Occidental, résidant au Liban avec sa famille, que nous appellerons Georges (il n’a pas voulu que son vrai nom figure dans notre article), mène actuellement un combat, plus pour sa fille de cinq ans que pour lui, affirme-t-il. «C’est une petite remarquable, dit-il, tout fier. Quand elle grandira, elle et ses semblables seront très importants pour le Liban. Leur double culture les aidera à rassembler les gens pour faire face aux divisions qui continuent de sévir.»
Quand, au début des années 90, Georges rencontre sa femme à l’université, aux Etats-Unis, et décide de la suivre dans son pays, par amour pour elle, les deux sont loin de se douter des conséquences de cette décision. Aujourd’hui, il a décroché un poste dans une institution publique libanaise, mais il n’a pas pour autant droit à la Sécurité sociale, et doit renouveler continuellement son permis de séjour alors qu’il n’a nullement l’intention de rentrer dans son pays d’origine. «C’est humiliant, souligne-t-il. On vous rappelle tout au long du processus que vous n’avez pas les mêmes droits que les Libanais. Les formalités durent trois semaines pour le permis de séjour, et il faut en payer les frais à toutes les étapes. Tout cela dans un délai déterminé, sous peine de s’acquitter de lourdes amendes… Ce qui finit par être stressant.»
Et pourtant, Georges a adopté le Liban dans tous les sens du terme. Il apprécie ce pays et compte y demeurer avec sa famille. Même s’il n’a jamais souffert de la xénophobie, il n’en ressent pas moins que son statut de non Libanais fera de lui un éternel ajnabé (étranger), selon le terme qu’il a employé. «Je parle un peu d’arabe, mais j’aurais été bien plus motivé d’apprendre la langue et de m’adapter davantage à mon environnement si je pouvais être naturalisé», souligne-t-il.
Pour A. D., Libanaise mariée à un Français, qui a décidé de résider au Liban avec sa famille, ne pas pouvoir transmettre sa nationalité à son mari et ses enfants est ressenti comme un coup dur pour son amour-propre. «Mon mari m’a donné le passeport français en un an, alors que lui, qui a fait le choix de vivre dans mon pays, dont le fils est né au Liban, qui est propriétaire d’une maison ici, reste privé de la nationalité», dit-elle.
A. D., contrairement à beaucoup de femmes dans son cas, était consciente, au moment de son mariage, de son incapacité à transmettre sa nationalité à sa famille de père étranger, mais cela ne l’empêche pas de trouver le fait révoltant. «C’est surtout pour les enfants que c’est inadmissible, souligne-t-elle. Partout au monde, les pays accordent ce qu’on appelle le droit de sol, soit la nationalité pour ceux qui y sont nés. Or mon fils est né au Liban, et j’attends un deuxième enfant. Les deux seront français par leur père, canadiens grâce à moi, mais pas libanais!»
Les formalités, A. D. en souffre régulièrement. «A notre retour de voyage, je dois me présenter avec la carte de séjour de mon fils, ce qui est absurde», indique-t-elle à titre d’exemple.
Pas citoyenne à part entière
On peut aisément comprendre que ces complications dont parlent les deux témoins interrogés se trouvent décuplés dans les cas de parents séparés, où la mère se retrouve seule avec des enfants qui n’ont même pas sa nationalité, ou encore dans des cas sociaux difficiles, quand le père étranger se trouve incapable de décrocher un poste en raison de sa situation… De telles histoires commencent à être mises en relief par des ONG féminines qui planchent sur cette question.
Mais quelle est l’origine de l’interdiction de transmission de la nationalité qui touche la femme? Le texte de loi libanais sur la nationalité mentionne le droit de l’homme à accorder automatiquement le passeport à femme et enfants étrangers, sans donner le même droit aux femmes. Le prétexte invoqué officiellement par les responsables, au Liban comme dans tous les pays arabes (voir encadré) pour ne pas modifier ce texte, est lié à la présence de réfugiés palestiniens, au refus de leur implantation et à leur droit de retour dans leur pays. Mais les ONG féminines arguent aujourd’hui que le prétexte en question n’est pas valable. D’une part, des chiffres produits dans une étude effectuée à l’initiative du CRTD-A (Collective for research and training on development-action), reliée à un réseau d’associations arabes et faisant campagne avec plusieurs ONG libanaises, montrent qu’une minorité de Libanaises mariées à des étrangers ont des maris palestiniens, totalisant seulement 1,1%. D’autre part, comme le font remarquer les militantes, priver la femme du droit de la nationalité revient à dire que celle-ci ne peut être citoyenne à part entière de son pays. Elles évoquent souvent les textes avec lesquels notre loi sur la nationalité est en franche contradiction: la Constitution libanaise, en premier lieu, qui a spécifiquement consacré l’égalité des citoyens devant la loi; d’autre part, l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme spécifie que chacun a droit à la nationalité, et que personne ne devrait en être arbitrairement privé. C’est surtout avec la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes (CEDAW) que les pays arabes sont en contradiction, ayant exprimé des réserves sur l’article évoquant le droit de la femme, à l’instar de l’homme, à accorder sa nationalité à sa famille. Enfin, les ONG rappellent que la Convention sur les droits de l’enfant précise que l’enfant a droit à une nationalité dès sa naissance, et qu’il doit être immédiatement enregistré auprès des autorités.
Tout est donc dans la modification de la loi. Le débat qui commence à s’ouvrir sur la question a déjà porté ses fruits, mais pas assez pour causer un changement radical. Une proposition de loi a récemment été présentée par la Commission parlementaire de la Femme et de l’Enfant, et elle vient d’être transmise aux autres commissions. Mais, d’une part, cette affaire ne semble toujours pas considérée comme une priorité par les responsables; et d’autre part, les ONG ont exprimé leurs réserves quant à ce texte, qui ne donnerait, une fois adopté, que le droit de transmission de la nationalité aux enfants, pas au mari.
Un autre projet de loi a été préparé par le CRTD-A, basé sur deux principes, celui de l’égalité entre l’homme et la femme, et celui du refus de toute exclusion (comme celle des Palestiniens, par exemple). L’association essaie de faire connaître ce texte aux parlementaires, dans le but ultime d’obtenir dix signatures pour enclencher le débat dans l’hémicycle. Entre-temps, l’association poursuit, en collaboration avec plusieurs ONG féminines, une campagne sur le sujet.
A tout cela, il faut ajouter un certain assouplissement des formalités à l’initiative de la Sûreté générale: à partir de l’année dernière, les enfants de mère libanaise peuvent obtenir un permis de séjour pour trois ans au lieu d’une année. Le mari peut également profiter de cette décision, mais il doit pour cela souscrire à des conditions très difficiles.
Sombre avenir pour les enfants
Mais que pensent les principaux concernés des différents points soulevés? Que ce soit A. D. ou Georges, ils pensent qu’une solution doit être trouvée au plus vite, même si cela signifie qu’il faut contourner momentanément le nœud de la présence des Palestiniens au Liban. Pour A. D., «la racine du problème se trouve dans les lois discriminatoires, d’où le fait qu’il faudrait voter un texte qui consacre une fois pour toutes l’égalité entre les hommes et les femmes dans tous les domaines civils». Comme Georges, elle insiste sur la question de la réciprocité. «Le Liban a signé un accord avec l’Union européenne. La moindre des choses est qu’il donne aux femmes le droit d’accorder la nationalité à des maris européens», dit-elle.
Georges va plus loin et se déclare convaincu que trouver la bonne solution à cette affaire ouvrira la voie à une nouvelle perspective pour le pays. «Aux yeux de l’Occident, un changement au niveau de cette loi sera perçu de manière très positive, et aura un impact sur l’image de la femme orientale auprès de ces populations, dit-il. Le problème de la nationalité pousse de nombreuses personnes à quitter le pays, alors qu’une modification des conditions encouragerait beaucoup d’étrangers mariés à des Libanaises à s’y installer.»
Mais, en définitive, ce sont surtout les enfants et leur avenir qui inquiètent les parents. «Aux fêtes nationales, je vois mon fils revenir à la maison, ayant appris l’hymne national, raconte A. D. Il ne se doute pas qu’il n’est même pas de nationalité libanaise. Un jour, mes enfants seront dégoûtés de savoir que leur pays ne leur accorde pas la nationalité. Ils voudront s’en aller ailleurs, là où l’égalité existe.» Et d’ajouter: «Le Liban veut soi-disant pousser les jeunes éduqués à rester au pays. Mais, de cette façon, il les pousse vers la sortie.»
Georges, lui, montre une photo de sa fille, juchée sur ses épaules, brandissant le drapeau libanais lors d’une manifestation pour l’indépendance et la liberté. «Ma fille est libanaise, même sans nationalité, souligne-t-il. Pour elle, quand elle grandira, ce sera frustrant et déroutant. Les jeunes ont besoin de connaître leur identité, pas de vivre une crise d’identité supplémentaire.»
Régler ce problème ne revient pas seulement à souscrire à une question de principe, celle de l’égalité entre citoyens, mais aussi à aider de nombreux foyers à surmonter des difficultés importantes. Saura-t-on cependant imposer ce débat à une époque aussi mouvementée de l’histoire du pays?
S. B.
Percées dans plus d’un pays arabe
Les lois empêchant la femme d’accorder sa nationalité à son mari et ses enfants étrangers ne sont pas propres au Liban, mais existent dans tous les pays arabes. L’affaire des réfugiés palestiniens est partout invoquée pour justifier cela. Dans tous ces pays, les femmes et leurs familles vivent les affres des formalités régulières, de la non reconnaissance des droits des enfants (souvent non assurés, parfois refoulés des écoles publiques, empêchés, une fois adultes, d’accéder à un certain nombre d’emplois...). Mais elles souffrent aussi souvent de rejet de la part de l’entourage (qui leur reproche leur union à un étranger), ainsi que d’un sentiment de culpabilité qui ne les quitte pas du fait des complications vécues par leurs familles.
Il faut savoir toutefois que les campagnes menées par les ONG féminines ont donné leurs fruits en certains endroits. Le cas le plus radical est celui de l’Algérie où, à l’issue d’un voyage à l’étranger au cours duquel il a rencontré des membres de la colonie algérienne, le président Bouteflika a décidé d’octroyer à la femme le droit d’accorder sa nationalité à son mari et à ses enfants. C’était en 2005. Un an plus tôt, c’est à l’issue d’une longue campagne que les militantes égyptiennes ont pu obtenir pour leurs compatriotes le droit de donner la nationalité à leurs enfants. Malgré la complexité de la mise en pratique de cette loi, il s’agit d’un pas géant.
En Tunisie, l’enfant peut déjà obtenir la nationalité de la mère, mais il ne s’agit pas d’un droit inconditionnel puisque l’approbation du père reste indispensable. Au Maroc, la femme a récemment été autorisée à naturaliser ses enfants. Dans d’autres pays, comme en Syrie, le débat est bien avancé même si les résultats tangibles se font attendre. Il faut préciser que le Liban ne figure pas en très bonne place sur cette liste.
Quelques chiffres
Les statistiques concernant les femmes mariées à des étrangers sont souvent difficiles à obtenir, mais certains chiffres sur le Liban sont disponibles dans une étude de l’association CRTD-A, qui s’est appuyée sur des informations obtenues auprès de la Sûreté générale.
Ces femmes seraient au nombre de 1375, résidant au Liban avec leurs familles. De celles-ci, 57% seraient mariées à des Iraqiens, 14,3% à des Egyptiens, 11% à des Jordaniens, 5,1% à des Français, 2,1% à des Britanniques, 2,1% à des Syriens, 1,8% à des Iraniens, 1,6% à des Américains, 1,3% à des Turcs, 1,2% à des Canadiens, 1,2% à des Allemands et 1,1% à des Palestiniens.
Ecrit par laurencia le Mardi 27 Juin 2006, 21:41 dans "ARCHIVES" Lu 8252 fois.
Article précédent - Article suivant
Commentaires
Article erroné
Cyrille - le 01-07-06 à 11:38 - #
Bonjour,
Arrêtez d'utiliser des titres dans le style qui fait apparaître le Liban pour un pays du tiers monde. C'est DEGUEULASSE.
Vous parlez des Libanaises mariées à des étrangers; comme si elles cherchient à sortir de la 'misère' comme ds d'autres pays du tiers-monde. CA SUFFIT. QUE DE GENS EN FRANCE SONT MARIES à DES ETRANGERS. Et c'est quelque chose de courant et de normal. On dirait que vous évoquez une filière d'immigration vers d'autres pays....
C'EST HONTEUX la façon dont vous détournez le sens des mots à votre guise.
A bon entendeur,
Cyrille
← Re: Article erroné
laurencia - le 08-07-06 à 20:17 - #
← Re: Article erroné(une ptite question svp)
herve du 08 - le 21-10-08 à 08:31 - #
bonjour a toutes et tous ,
je suis moi meme francais marie a une libanaise et je suis venu vivre au liban mais je me retrouve dans une impasse le choix entre une vissa touriste de 1 an irrevocable qui ne me donne pas le droit d'exercer une activite salarie sur le sol libanais (difficile quand on pretend aider sa femme dans le commerce familial)ou acheter un visa de travail (payer pour vivre au liban !!!!!!) alors que je ne demande aucune aide que ce soi.......BREF!!!.
notre mariage vien detre reconu en france et ma question est la suivante: esque mon epouse peut elle pretendre a un passport afin de macompagner dans mes voyages commerciaux en france ,ce qui me permeterais en contournant la lois dobtenir des visa de trois mois a chaque passage pas l'aeroport INTERNATIONNAL DE BEYROUT(petit rappelle comprend qui peut .lol)
merci de vos reponce et vive le LIBAN
choukrane habibi
← Re: Article erroné
Odile - le 17-02-08 à 11:15 - #
Qui êtes-vous Cyrille pour parler ainsi ?
Je vous trouve très grossier et je pense que vous parlez sans savoir !
Moi j'ai été abandonnée à la naissance par un couple légitime uniquement parce que je suis née sans bras !
Les articles de presse sont très vrais.
Je vous invite à vous renseigner avant de juger !
A bon entendeur, moi je vous salue.
Odile