Dida Guigan avait tout juste deux semaines lorsqu'elle a été emmenée à l'étranger par ses parents adoptifs en pleine guerre civile du Liban. Après neuf ans de recherches, elle a retrouvé sa génitrice en Suisse, le même pays où elle a grandi. Elle fait partie des milliers d'enfants libanais adoptés par des parents étrangers lors du conflit civil qui a ravagé le pays du Cèdre de 1975 à 1990.
Nombreux d'entre eux, comme cette jeune femme aujourd'hui âgée de 32 ans, ont choisi de retrouver leurs géniteurs, un long processus compliqué par des secrets que beaucoup préféreraient garder enfouis. L'ONG Badael-Alternatives, qui aide ces personnes, estime à 10 000 le nombre d'enfants adoptés au Liban durant la guerre. C'est à cette période que les adoptions ont pris de l'ampleur, des intermédiaires et édiles ayant facilité le processus en produisant les faux documents, souvent contre de l'argent.
« C'était facile », explique Zeina Allouche, cofondatrice de Badael. « Il n'y avait ni loi ni sécurité, et il y avait de la complicité car des gens pensaient que c'était un bon moyen de sauver les enfants », poursuit-elle.
Emmenée du Liban en 1984, Dida Guigan, qui a grandi en Suisse, savait qu'elle avait été adoptée mais ignorait tout de sa famille de naissance.
« Délicat et tabou »
À 18 ans, ses parents adoptifs lui ont donné des documents, dont une « attestation d'abandon » portant le nom de sa mère biologique. Dida Guigan effectue alors plusieurs voyages à Beyrouth avant de découvrir, avec l'aide d'une équipe de télévision libanaise, que sa génitrice vivait en Suisse... à une heure du lieu où elle avait grandi. « Je ne croyais vraiment pas que ce fût possible », raconte-t-elle au téléphone. Lors de leur premier contact, les deux femmes découvrent qu'elles partagent le même timbre de voix. Elle apprend que sa mère a subi des pressions pour renoncer à son enfant plutôt que de l'élever seule.
De son côté, Sophie, adoptée avant la guerre par un couple vivant en France près de six mois après sa naissance, n'a entamé des recherches que tardivement. « À 47 ans, j'ai ressenti le besoin de combler un vide profond, de connaître l'histoire de ma naissance », confie cette femme qui utilise un pseudonyme. Avec en main le nom de sa mère, elle s'est rendue au Liban mais a rencontré une forte incompréhension. « Tu as déjà une famille, tu as de la chance de vivre, m'a-t-on dit, raconte-t-elle via courrier électronique. Le sujet restait délicat et tabou. »
Mme Allouche assure que beaucoup de personnes adoptées ont été confrontées à des rejets, les familles craignant le scandale. Badael essaie de les aider, notamment par une liste de noms sur son site internet et en leur conseillant le recours aux tests ADN. Ces tests ont permis à Sophie de retrouver un premier cousin germain, puis, grâce à lui, un second, dont le père « avait aidé ma mère (biologique) à me rechercher après ma naissance ». Elle apprend ainsi que sa génitrice a émigré en Australie. Sophie communique désormais avec elle par le biais de sa demi-sœur.
Depuis sa création en 2013, Badael a collecté le nom de 2 700 enfants libanais adoptés qui veulent retrouver un membre de leur famille, ainsi qu'une poignée de mères recherchant leurs enfants. Les adoptions ont baissé après la fin de la guerre civile, mais, selon l'ONG, la guerre en Syrie a relancé les demandes au Liban.
Les petits Syriens adoptés aujourd'hui vont probablement engager dans l'avenir les mêmes recherches que Terri. « Il y a le lien du sang qui ne peut être brisé, souligne-t-il. Je voudrais vraiment retrouver ma mère. Cela serait comme un épilogue. »
Sara HUSSEIN/AFP
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