Festivals: un bilan désastreux, mais le flambeau brûle toujours...
Septembre 2006
Festivals: un bilan désastreux, mais le flambeau brûle toujours...
Feyrouz chantera à Beyrouth avant la fin de l’année
En guise de festivals internationaux, le Liban n’aura connu cette année qu’un festival de feu et de sang. Après une éprouvante année 2005 et un difficile début d’année 2006, les Libanais s’apprêtaient à goûter cet été aux plaisirs des spectacles, des concerts et autres manifestations artistiques de qualité. Ils ont cependant dû subir un autre genre de programmation. Imposée et inattendue.
Pour les trois grands festivals du pays, le bilan des pertes enregistrées durant cette guerre est lourd. Tant sur le plan financier que moral. Des programmes entièrement annulés, des billets remboursés, des frais de logistique assumés (aménagements des sites, installation des gradins, publications des catalogues, campagnes publicitaires, personnel d’accueil, etc.), sans compter les avances sur cachets définitivement empochées par certaines stars et la résiliation des contributions de certains sponsors... La charge financière est importante et pourrait ne pas être couverte par les subventions qu’accorde généralement l’État aux festivals en fin de saison, lui qui croule sous le poids des indemnités à reverser aux victimes directes de cette guerre.
Moralement, c’est aussi le capital confiance qui est largement entamé. Il faudra redoubler d’ardeur pour convaincre les artistes de venir se produire au Liban.
D’autant que la tâche n’était déjà pas aisée ces deux dernières années au vu des turbulences qu’avait connues le pays. Mais comme l’explique Nayla de Freige, vice-présidente du Festival de Baalbeck: «Il y a deux catégories d’artistes. Certains ne sont que des artistes commerciaux, d’autres réagissent avec leur cœur et leur sensibilité. Ces derniers pourraient venir se produire au Liban par esprit de solidarité.»
Les témoignages de solidarité de la part des artistes étrangers, qui s’étaient déjà ou devaient se produire dans le cadre des grands festivals de l’été,
n’ont d’ailleurs pas manqué.
Certains ont immédiatement remboursé l’intégralité des sommes perçues en avance sur leurs émoluments, d’autres se sont engagés à venir se produire au Liban à la première occasion. D’autres encore, comme certaines grosses pointures venues à Beiteddine au cours des saisons précédentes, ont proposé de participer à des spectacles ou des concerts qui seraient organisés dans une capitale européenne en faveur du Liban.
En dépit cependant de toutes ces bonnes volontés, l’impact négatif de la guerre de juillet restera sans doute dans les annales des festivals. Ces festivals, qui, comme le précisent aussi bien Nayla de Freige que Nora Joumblatt, ne sont pas des sociétés à but lucratif, mais des structures de promotion de la culture et du tourisme, ont été touchés de plein fouet, car aucun d’eux – mis à part Byblos – n’a pu entamer le calendrier des représentations de cette saison.
Remboursements des billets
Le site de Baalbeck, qui devait accueillir une élite artistique à l’occasion de la célébration du cinquantenaire de son festival international, n’aura connu que la musique dissonante des drones et des bombardements. L’ouverture de ce jubilé d’or, prévue avec Feyrouz le 13 juillet, aura malheureusement coïncidé avec le début de la guerre. Annulées donc les performances des Deep Purple, Eifman ballet-théâtre de Saint-Pétersbourg, Diane Shuur et le Dizzy Gillespie All Star Big Band, l’Opéra de Donizetti (en collaboration avec les Choregies d’Orange): c’est un festival réduit à néant qui aura marqué les célébrations de son demi-siècle d’existence. Les billets de toutes ces soirées ont été et continuent à être remboursés. «Mais une petite faction des spectateurs n’a pas récupéré le prix de ses billets et en a fait don au festival.»
L’évaluation chiffrée des pertes encourues ne pouvant pas encore, à ce stade, être calculée avec précision, Nayla de Freige préfère ne pas avancer de montant. D’autant que rien n’est encore arrêté définitivement en ce qui concerne le paiement de la subvention de l’État ou les contributions des sponsors, «qui n’ont pas, envers le festival, une attitude purement commerciale, mais s’investissent avec un esprit de mécénat pour promouvoir la culture», souligne de Freige.
Par ailleurs, le Festival de Baalbeck, qui, outre les spectacles «importés», a financé cette année deux grosses productions libanaises, Sah el-Nom, la comédie musicale de Feyrouz et Ziad Rahbani, et L’opéra du village, un ballet-théâtre signé Caracalla, vient juste de prendre la décision de rembourser les tickets du ballet Caracalla à partir du 5 septembre.
«Et en ce qui concerne le spectacle de Feyrouz, nous allons le présenter avant la fin de l’année à Beyrouth. Les dates et le lieu n’ont pas encore été fixés. Ils seront communiqués ultérieurement par voie de presse. Tous les détenteurs de billets qui viendront les échanger bénéficieront de places prioritaires.
Et ceux qui le désirent pourront se faire rembourser à partir du 5 septembre auprès de tous les points de vente Virgin.»
Des gestes élégants de la part de nombreux artistes
À Beiteddine, l’étoile du Royal Ballet, Sylvie Guillem, devait ouvrir les festivités le 16 juillet. Le 12 juillet, sa troupe et ses techniciens s’apprêtaient à prendre l’avion pour Beyrouth lorsque les hostilités ont éclaté. Hormis le concert, en avant-première et hors les murs de Ricky Martin, présenté fin mai au Biel, aucun des huit autres spectacles programmés cet été à Beiteddine n’aura lieu.
Premier bilan des pertes: «Quelque 350000 à 400000 dollars», estime Nora Joumblatt. Il s’agit de frais d’organisation, de communication, d’aménagement des lieux (installation des gradins, éclairages, systèmes sonores, etc.), de logistique (billets d’avions et réservations d’hôtels) ainsi que des sommes prélevées par les artistes – pour de menus frais déjà engagés – sur le pourcentage de cachet qui leur avait déjà été payé. «Et qu’ils nous ont, pour la plupart, restitué avec beaucoup d’élégance.»
«Magida el-Roumi a, par exemple, remboursé l’intégralité de son cachet. La chanteuse béninoise Angélique Kidjo également. Sylvie Guillem n’a, quant à elle, retenu qu’une petite somme pour couvrir les frais techniques qu’elle avait déjà engagés», indique Wafaa Saab, responsable de la communication du Festival de Beiteddine.
L’année dernière déjà, le Festival de Beiteddine avait, à cause de l’instabilité de la situation, enregistré des pertes. Les bombardements de juillet auront été la cerise «amère» sur le gâteau. Mais pour le dynamique comité de Beiteddine, ce n’est que partie remise. Si la situation se stabilise, le Festival de Beiteddine rouvrira ses portes l’été prochain. «On va s’en remettre», assure Nora Joumblatt avec espoir et conviction.
Des sponsors qui se sont désistés
Le seul à avoir amorcé la saison 2006, le Festival de Byblos, dont deux soirées, sur les cinq prévues, avaient eu lieu avant la fatidique date du 12 juillet, affiche lui aussi une perte sèche allant de «200000 dollars au bas mot à un demi-million de dollars, si l’État, occupé par d’autres priorités, décide de ne pas payer les subventions qu’il accorde habituellement aux festivals», indique le producteur Nagi Baz.
«Les rentrées des deux concerts qui ont eu lieu, ceux de Francis Cabrel et de Barbara Hendrix, ont juste couvert les cachets des artistes», souligne la présidente du Festival de Byblos, Latifé Lakkis. Laquelle énumère toute une série de coûts techniques: préparatifs de scène, installation des gradins, nettoyage, éclairages, salaires des équipes de placeurs, d’accueil, parkings, campagnes publicitaires, frais de déplacements... Sans compter les sommes qui avaient été déjà versées aux artistes.
Et les remboursements (jusqu’au 30 septembre) des billets des spectacles
qui n’ont pu avoir lieu.
«Sean Paul, qui était sur le point de prendre l’avion avec ses musiciens la veille du jour où la guerre a éclaté, n’a plus pu venir. Il a néanmoins reçu la totalité de son cachet.
Par contre, Gad Elmaleh, qui avait reçu une avance, a contacté le producteur
pour la restituer.»
Philippe Abi Akl, responsable de la communication au sein du comité du festival, signale par ailleurs qu’«une grande partie des sponsors se sont dégagés de leur promesse de contribution». Et d’ajouter: «Au-delà des pertes financières, il y a les pertes morales à prendre en considération.» Y aura-t-il un Festival de Byblos en 2007? La question reste posée. D’autant que, pour le producteur Nagi Baz, «sans garanties politiques et financières du gouvernement vraiment sérieuses, je n’envisagerais personnellement de prendre aucun risque.»
À Baalbeck, par contre, le comité du festival semble déterminé à œuvrer contre vents et marées pour maintenir la flamme de l’art et de la culture allumée dans les temples millénaires. «Nous avons un message à délivrer, considère Nayla de Freige.
Et nous faisons partie du programme de la reconstruction au niveau culturel
et touristique», dit-elle en conclusion.
Festivals: un bilan désastreux, mais le flambeau brûle toujours...
Feyrouz chantera à Beyrouth avant la fin de l’année
En guise de festivals internationaux, le Liban n’aura connu cette année qu’un festival de feu et de sang. Après une éprouvante année 2005 et un difficile début d’année 2006, les Libanais s’apprêtaient à goûter cet été aux plaisirs des spectacles, des concerts et autres manifestations artistiques de qualité. Ils ont cependant dû subir un autre genre de programmation. Imposée et inattendue.
Pour les trois grands festivals du pays, le bilan des pertes enregistrées durant cette guerre est lourd. Tant sur le plan financier que moral. Des programmes entièrement annulés, des billets remboursés, des frais de logistique assumés (aménagements des sites, installation des gradins, publications des catalogues, campagnes publicitaires, personnel d’accueil, etc.), sans compter les avances sur cachets définitivement empochées par certaines stars et la résiliation des contributions de certains sponsors... La charge financière est importante et pourrait ne pas être couverte par les subventions qu’accorde généralement l’État aux festivals en fin de saison, lui qui croule sous le poids des indemnités à reverser aux victimes directes de cette guerre.
Moralement, c’est aussi le capital confiance qui est largement entamé. Il faudra redoubler d’ardeur pour convaincre les artistes de venir se produire au Liban.
D’autant que la tâche n’était déjà pas aisée ces deux dernières années au vu des turbulences qu’avait connues le pays. Mais comme l’explique Nayla de Freige, vice-présidente du Festival de Baalbeck: «Il y a deux catégories d’artistes. Certains ne sont que des artistes commerciaux, d’autres réagissent avec leur cœur et leur sensibilité. Ces derniers pourraient venir se produire au Liban par esprit de solidarité.»
Les témoignages de solidarité de la part des artistes étrangers, qui s’étaient déjà ou devaient se produire dans le cadre des grands festivals de l’été,
n’ont d’ailleurs pas manqué.
Certains ont immédiatement remboursé l’intégralité des sommes perçues en avance sur leurs émoluments, d’autres se sont engagés à venir se produire au Liban à la première occasion. D’autres encore, comme certaines grosses pointures venues à Beiteddine au cours des saisons précédentes, ont proposé de participer à des spectacles ou des concerts qui seraient organisés dans une capitale européenne en faveur du Liban.
En dépit cependant de toutes ces bonnes volontés, l’impact négatif de la guerre de juillet restera sans doute dans les annales des festivals. Ces festivals, qui, comme le précisent aussi bien Nayla de Freige que Nora Joumblatt, ne sont pas des sociétés à but lucratif, mais des structures de promotion de la culture et du tourisme, ont été touchés de plein fouet, car aucun d’eux – mis à part Byblos – n’a pu entamer le calendrier des représentations de cette saison.
Remboursements des billets
Le site de Baalbeck, qui devait accueillir une élite artistique à l’occasion de la célébration du cinquantenaire de son festival international, n’aura connu que la musique dissonante des drones et des bombardements. L’ouverture de ce jubilé d’or, prévue avec Feyrouz le 13 juillet, aura malheureusement coïncidé avec le début de la guerre. Annulées donc les performances des Deep Purple, Eifman ballet-théâtre de Saint-Pétersbourg, Diane Shuur et le Dizzy Gillespie All Star Big Band, l’Opéra de Donizetti (en collaboration avec les Choregies d’Orange): c’est un festival réduit à néant qui aura marqué les célébrations de son demi-siècle d’existence. Les billets de toutes ces soirées ont été et continuent à être remboursés. «Mais une petite faction des spectateurs n’a pas récupéré le prix de ses billets et en a fait don au festival.»
L’évaluation chiffrée des pertes encourues ne pouvant pas encore, à ce stade, être calculée avec précision, Nayla de Freige préfère ne pas avancer de montant. D’autant que rien n’est encore arrêté définitivement en ce qui concerne le paiement de la subvention de l’État ou les contributions des sponsors, «qui n’ont pas, envers le festival, une attitude purement commerciale, mais s’investissent avec un esprit de mécénat pour promouvoir la culture», souligne de Freige.
Par ailleurs, le Festival de Baalbeck, qui, outre les spectacles «importés», a financé cette année deux grosses productions libanaises, Sah el-Nom, la comédie musicale de Feyrouz et Ziad Rahbani, et L’opéra du village, un ballet-théâtre signé Caracalla, vient juste de prendre la décision de rembourser les tickets du ballet Caracalla à partir du 5 septembre.
«Et en ce qui concerne le spectacle de Feyrouz, nous allons le présenter avant la fin de l’année à Beyrouth. Les dates et le lieu n’ont pas encore été fixés. Ils seront communiqués ultérieurement par voie de presse. Tous les détenteurs de billets qui viendront les échanger bénéficieront de places prioritaires.
Et ceux qui le désirent pourront se faire rembourser à partir du 5 septembre auprès de tous les points de vente Virgin.»
Des gestes élégants de la part de nombreux artistes
À Beiteddine, l’étoile du Royal Ballet, Sylvie Guillem, devait ouvrir les festivités le 16 juillet. Le 12 juillet, sa troupe et ses techniciens s’apprêtaient à prendre l’avion pour Beyrouth lorsque les hostilités ont éclaté. Hormis le concert, en avant-première et hors les murs de Ricky Martin, présenté fin mai au Biel, aucun des huit autres spectacles programmés cet été à Beiteddine n’aura lieu.
Premier bilan des pertes: «Quelque 350000 à 400000 dollars», estime Nora Joumblatt. Il s’agit de frais d’organisation, de communication, d’aménagement des lieux (installation des gradins, éclairages, systèmes sonores, etc.), de logistique (billets d’avions et réservations d’hôtels) ainsi que des sommes prélevées par les artistes – pour de menus frais déjà engagés – sur le pourcentage de cachet qui leur avait déjà été payé. «Et qu’ils nous ont, pour la plupart, restitué avec beaucoup d’élégance.»
«Magida el-Roumi a, par exemple, remboursé l’intégralité de son cachet. La chanteuse béninoise Angélique Kidjo également. Sylvie Guillem n’a, quant à elle, retenu qu’une petite somme pour couvrir les frais techniques qu’elle avait déjà engagés», indique Wafaa Saab, responsable de la communication du Festival de Beiteddine.
L’année dernière déjà, le Festival de Beiteddine avait, à cause de l’instabilité de la situation, enregistré des pertes. Les bombardements de juillet auront été la cerise «amère» sur le gâteau. Mais pour le dynamique comité de Beiteddine, ce n’est que partie remise. Si la situation se stabilise, le Festival de Beiteddine rouvrira ses portes l’été prochain. «On va s’en remettre», assure Nora Joumblatt avec espoir et conviction.
Des sponsors qui se sont désistés
Le seul à avoir amorcé la saison 2006, le Festival de Byblos, dont deux soirées, sur les cinq prévues, avaient eu lieu avant la fatidique date du 12 juillet, affiche lui aussi une perte sèche allant de «200000 dollars au bas mot à un demi-million de dollars, si l’État, occupé par d’autres priorités, décide de ne pas payer les subventions qu’il accorde habituellement aux festivals», indique le producteur Nagi Baz.
«Les rentrées des deux concerts qui ont eu lieu, ceux de Francis Cabrel et de Barbara Hendrix, ont juste couvert les cachets des artistes», souligne la présidente du Festival de Byblos, Latifé Lakkis. Laquelle énumère toute une série de coûts techniques: préparatifs de scène, installation des gradins, nettoyage, éclairages, salaires des équipes de placeurs, d’accueil, parkings, campagnes publicitaires, frais de déplacements... Sans compter les sommes qui avaient été déjà versées aux artistes.
Et les remboursements (jusqu’au 30 septembre) des billets des spectacles
qui n’ont pu avoir lieu.
«Sean Paul, qui était sur le point de prendre l’avion avec ses musiciens la veille du jour où la guerre a éclaté, n’a plus pu venir. Il a néanmoins reçu la totalité de son cachet.
Par contre, Gad Elmaleh, qui avait reçu une avance, a contacté le producteur
pour la restituer.»
Philippe Abi Akl, responsable de la communication au sein du comité du festival, signale par ailleurs qu’«une grande partie des sponsors se sont dégagés de leur promesse de contribution». Et d’ajouter: «Au-delà des pertes financières, il y a les pertes morales à prendre en considération.» Y aura-t-il un Festival de Byblos en 2007? La question reste posée. D’autant que, pour le producteur Nagi Baz, «sans garanties politiques et financières du gouvernement vraiment sérieuses, je n’envisagerais personnellement de prendre aucun risque.»
À Baalbeck, par contre, le comité du festival semble déterminé à œuvrer contre vents et marées pour maintenir la flamme de l’art et de la culture allumée dans les temples millénaires. «Nous avons un message à délivrer, considère Nayla de Freige.
Et nous faisons partie du programme de la reconstruction au niveau culturel
et touristique», dit-elle en conclusion.
Zéna ZALZAL pour L'Orient-Le Jour
Ecrit par Origines Liban le Vendredi 25 Août 2006, 23:15 dans "ARCHIVES" Lu 619 fois.
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