(Nabatiyeh, 17 août 2006) – Les démineurs des Nations Unies qui ont commencé un examen d’urgence et un travail de nettoyage dans le sud du Liban ont identifié 10 emplacements où l’artillerie israélienne a utilisé des bombes à sous-munitions au cours des récentes hostilités, a signalé Human Rights Watch aujourd’hui. Les chercheurs de Human Rights Watch au Liban ont inspecté deux de ces sites dans le village de Kfar Roummane.
De dangereuses sous-munitions n’ayant pas explosé, des engins qui n’ont pas éclaté au point d’impact mais sont toujours actifs et risquent d’exploser, sont présents aux alentours de Nabatiyeh, Tabnine et Beit Yahoun, ainsi que à proximité de la route de 3km qui relie Tabnine et Beit Yahoun, selon des responsables démineurs des Nations Unies. Jusqu’ici ils n’ont pu examiner qu’une région limitée, et ils craignent que les 10 sites identifiés au cours des deux premiers jours ne soient que « la partie émmergée de l’iceberg. » Les équipes des Nations Unies ont reçu des informations sur au moins 16 victimes des sous-munitions qui ont explosé bien après avoir été tirées, et elles craignent d’en recevoir beaucoup d’autres.« A cause de leur large spectre de dispersion, les bombes à sous-munitions ne devraient jamais être utilisées dans des zones peuplées, » a déclaré Kenneth Roth, directeur exécutif de Human Rights Watch. « Les lois de la guerre n’interdisent pas les engins à sous-munitions dans toutes les circonstances. Mais l’utilisation de bombes à sous-munitions au sein ou à proximité de zones civiles viole l’interdiction des attaques indiscriminées, parce que ces armes ne peuvent pas être dirigées uniquement contre des cibles militaires. »
De plus, Human Rights Watch s’oppose à toute utilisation d’engins à sous-munitions présentant des taux élevés d’échec initial, comme celles utilisées par Israël au Liban, à cause du danger prolongé qu’elles présentent pour les civils.
« Les bombes à sous-munitions ayant des taux élevés d’échec initial deviennent en fait des mines antipersonnel, » a dit Roth. « Même si des civils ne sont pas présents au moment de l’attaque, ils risquent de trébucher sur les sous-munitions des semaines, des mois ou même des années plus tard, déclenchant des explosions mortelles. »
A Kfar Roumanne, les chercheurs de Human Rights Watch ont examiné deux zones qui avaient été frappées par les bombes à sous-munitions israéliennes. L’un de ces sites se trouvait parmi des habitations civiles au bout du village. Autour de deux maisons, les chercheurs de Human Rights Watch ont vu au moins six marques d’impact de sous-munitions qui avaient explosé, ainsi que quatre sous-munitions non éclatées dans la cour devant une des maisons, et une autre sur un toit en tôle proche. Apparemment personne n’a été blessé au cours de cette attaque, puisque les habitants avaient quitté le village avant le 28 juillet. L’armée libanaise a commencé à déblayer la zone.
L’autre site à Kfar Roumanne comprenait un champ à l’extérieur du village et une oliveraie adjacente. Un fermier de cette zone a dit que l’attaque avait eu lieu le 13 août aux environs de midi, lorsque des soldats israéliens avait tiré quatre projectiles. Il ne savait pas s’il y avait eu des victimes et il a dit que le Hezbollah avait tiré des roquettes depuis le verger. Human Rights Watch a examiné les composants d’un projectile, qui s’est avéré être un obus d’artillerie M483 155mm de fabrication américaine, qui comporte 64 sous-munitions M42 et 24 M46. Deux douzaines environ de dangereuses sous-munitions non éclatées étaient visibles dans cette zone.
Sur ces deux sites, les sous-munitions non éclatées présentent des risques évidents pour les civils qui reviennent dans la région. Il est clair qu’Israël avait le droit de répondre aux tirs de roquettes du Hezbollah venant de l’oliveraie, mais aurait dû utiliser des armes qui ne présentent pas de façon prévisible un risque à long terme pour les civils.
Un démineur travaillant dans le sud Liban a affirmé à Human Rights Watch qu’en 10 minutes il avait identifié 100 sous-munitions non éclatées dangereuses dans la rue principale de Tabnine, avant d’arrêter de compter. Il a noté au moins un cas d’ « échec catastrophique, » où aucune des sous-munitions d’un projectile d’artillerie n’avait explosé, laissant toutes les sous-munitions éparpillées sur le sol. Ce projectile est tombé juste devant le portail d’entrée principal de l’hôpital au centre de Tabnine, a-t-il déclaré.
Le type de sous-munitions tirées par l’artillerie qu’utilise Israël présente un taux d’échec initial d’au moins 14 %, selon des résultats de tests de l’armée des USA. Le taux d’échec peut être plus élevé sur le champ de bataille.
Israël devrait immédiatement fournir des informations au Centre de coordination d’action contre les mines des Nations Unies sur l’emplacement de ses attaques avec des bombes à sous-munitions et sur les armes spécifiques utilisées, a déclaré Human Rights Watch. Israël devrait aussi fournir une aide technique, matérielle, financière et autre pour faciliter le marquage et l’évacuation des sous-munitions non éclatées et autres vestiges explosifs de la guerre.
« Avec les réfugiés qui regagnent leur foyer, nous constatons déjà des victimes de ces dangereuses sous-munitions non éclatées, » a affirmé Roth. « Si l’on n’agit pas rapidement, cela conduira à beaucoup plus de victimes qui pourraient être évitées. »
Le Centre de coordination d’action contre les mines des Nations Unies au sud Liban a émis le 15 août un avertissement sur les bombes à sous-munitions. Les munitions qui n’ont pas explosé « sont extrêmement dangereuses et peuvent exploser si on les touche ou si on les déplace, » précise la déclaration. « Elles sont petites [environ la taille d’une pile D] et facilement masquées par des gravats et des débris. La présence ou l’observation d’une seule est une confirmation absolue qu’il y en a beaucoup d’autres dans le voisinage immédiat. »
Les responsables israéliens ont fait des déclarations contradictoires, certains niant toute utilisation de bombes à sous-munitions pendant tout le mois qu’ont duré les combats et d’autres reconnaissant leur utilisation mais prétendant que c’était loin de zones civiles. Human Rights Watch a précédemment signalé le recours par Israël aux bombes à sous-munitions lors de l’attaque contre Blida le 19 juillet, qui a fait un mort et au moins 12 blessés parmi les civils, dont sept enfants.
Un porte-parole des Forces de défense israéliennes, interrogé sur l’utilisation par Israël de bombes à sous-munitions au Liban, a déclaré à Human Rights Watch que « nous utilisons toutes les munitions dans les limites du droit humanitaire international et nous ne pouvons pas donner d’autres détails qui pourraient nuire à nos opérations. »
Les démineurs des Nations Unies et l’armée libanaise sont déjà au travail pour marquer les zones contaminées par des sous-munitions non éclatées et autres matériels non éclatés, et tenir les civils à l’écart. Deux équipes de neutralisation d’explosifs du groupe britannique consultatif sur les mines MAG ont commencé hier à Tabnine l’enlèvement d’urgence des sous-munitions non éclatées.
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