Le crime dit d’honneur
Le crime dit d’honneur
Au Liban, la loi punit tous les assassins. Sauf ceux qui ont tué pour défendre leur propre dignité : leur honneur. Privilège pour ces criminels qui règlent facilement leurs comptes et se tirent d’une situation difficile… avec honneur.
Les chiffres sont révélateurs. Au Liban entre 1995 et 1998, Il y a eu 36 jugements sur des crimes d’honneur. Toutes les victimes étaient des femmes. Tous les assassins, des hommes, autant de chrétiens que de musulmans, qui ont bénéficié de circonstances atténuantes. Ils ont tous fini par purger quelques mois de prison puis ont été relâchés.
« La désignation crime d’honneur, explique Me Mirella Abdel Sater*, s’applique au crime passionnel et jaloux, d’un conjoint, d’un père, d’un frère, ou d’un parent de la victime, qui a surpris cette dernière en situation d’adultère** ou dans un état qu’il a jugé indécent ».
Dans une société traditionnelle, où les choses de l’amour peuvent être vécues comme impures dans certains milieux, il est commun de juger “inadmissible»la fréquentation garçons-filles sans une tutelle pour ces dernières, etc… « Les femmes se doivent d’avoir une conduite irréprochable, car les hommes sont très pointilleux sur la question d’honneur chez nous et ont la gâchette facile », explique Zeinab, déplacée d’un milieu rural, vivant en banlieue de Beyrouth.
Un crime est un crime et ne peut être justifié
En cas de crime passionnel, les criminels bénéficient de circonstances atténuantes, garanties par la loi. Cette situation donne à réfléchir : « De l’article 562, qui octroyait des circonstances absolutoires (n’est pas jugé) au criminel, à la modification de l’article en 1999, qui le laisse bénéficier de circonstances atténuantes (art. 251), il y a eu évolution, mais le résultat est toujours très discriminatoire » avoue Mirella.
En effet, le Liban a adhéré à la déclaration Universelle des Droits de l’Homme, et aux Pactes Internationaux concernant ses Droits politiques, économiques, sociaux, etc. Il a également ratifié en 1996, la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’encontre des femmes. Or l’article 251 sur les circonstances atténuantes va à l’encontre de toutes ces dispositions. « Nous réclamons l’abolition de l’article de 1999, car un crime est un crime et ne peut être justifié ». Quand on sait que dans 22 cas sur 36, c’est le frère qui “punit” sa sœur et que s’il est âgé de 16 à 18 ans, il bénéficie de sa situation de mineur, on se demande, dans quelle société on veut vivre ? »
La solution ? « l’abolition de l’article 251. En parallèle, travailler au niveau de l’éducation de la femme et de son indépendance économique » ajoute Mirella qui rappelle que le Maroc a déjà aboli la loi relative aux circonstances atténuantes sur le crime d’honneur.
*Me Mirella Abdel Sater est avocate, militante pour les Droits de la femme au sein de l’association pour les Droits de l’Homme. Elle a mené une enquête et établi des statistiques sur le crime d’honneur de 1995 à 1998. Co-auteur avec Fady Moughaizel d’un livre “Crimes d’honneur, études jurisprudentielles” publié en 1999 par la Fondation Joseph et Laure Moghaizel.
Date de création : 05/02/2007 @ 19:41 |
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Ecrit par laurencia le Lundi 5 Février 2007, 00:09 dans "Droits de l'homme, de la femme, de l'enfant, droits humains ..." Lu 4630 fois.
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